Après avoir pris place pour quelques 20 minutes
dans une chaloupe, nous posons donc ce matin, vers 10 heures 30, le
pied sur la mythique île de "Rapa Nui", baptisée l'île de
Pâques par Jakob Roggeveen en 1722. Nous accostons au
sud-ouest dans le petit port de "Hanga Piko", lui-même situé
à 2 pas du quasi unique village de l'île "Hango Roa" où
résident pratiquement tous les autochtones. C'est également ici que
sont construits, dans le respect d'un strict cahier des charges - afin de ne pas "bétonner" ou dénaturer les lieux
- les quelques
hôtels de "Rapa-Nui".
Ce petit bout de terre de
166 km² (23 km X 12 Km) compte aujourd'hui à peine 6.000 habitants,
auxquels s'ajoutent les 60.000 touristes qui viennent chaque année
découvrir les mythiques "Moai". Et heureusement pour la
survie de l'île, car les passagers des 2 avions quotidiens en
provenance de Santiago, et les vacanciers de la vingtaine de
paquebots qui annuellement font escale, sont quasiment les seules "ressources"
pour l'île de Pâques, qui ne vit qu'au travers du tourisme
uniquement organisé autour des célèbres statues de pierre.
Michelle Bachelet, d'origine française, est la
Présidente élue de "Rapa Nui" puisque ici nous sommes
aussi en
territoire Chilien.
Tout comme Hawaii, où nous avions fait escale
en 2012, l'île de Pâques par son éloignement du continent
sud-américain (3.600 km du Chili) et des îles Pitcairn (2.100
km), fait partie des
territoires habités les plus isolés du monde.
Dès que nous sortons de l'enceinte du quai nous
apercevons Régis notre guide brandissant une pancarte sur laquelle
il a inscrit notre nom. Tout de suite nous sentons que "le
courant va passer entre nous", et le déroulement de la journée
va nous prouver que nous ne nous trompons pas... Régis a quitté jeune
sa Charente Maritime natale pour s'engager dans l'armée de l'air et
faire carrière outre mer et notamment en Polynésie. Puis après
avoir quitté l'uniforme il a suivi pour quelques mois un ami qui
avait sa fiancée sur l'île de Pâques. L'ami n'a finalement pas fait
sa vie avec sa "Rapa-Nui" et a quitté l'île. Par contre
Régis a trouvé une fiancée locale qu'il a épousée et qui lui a donné
une petite "franco-chilienne" âgée de 14 ans aujourd'hui...
Régis semble tout connaître de l'histoire locale, il va, sans
jamais se tromper ni se contredire, nous donner une avalanche de
détails, d'anecdotes, de noms et dates tout au long de la journée.
Bien sûr nous ne retiendrons qu'une mineure partie de ceux-ci, mais
à aucun moment il n'a été ennuyeux et a toujours su apporter une
réponse adaptée à chacune de nos questions.
Il n'est pas nécessaire de négocier le prix de
la journée d'excursion avec notre guide, puisque nous sommes tombés
rapidement d'accord grâce à nos échanges de mails des derniers
jours. Même les 60$ de "droit d'entrée sur l'île" collectés par la "CONAF" (organisme
d'état chargé de l'entretien du Patrimoine) ont été inclus dans
le tarif que nous avons conclu avec notre Charentais. Nous
peaufinons juste rapidement notre itinéraire et nous montons à bord
de son monospace pour nous diriger sans attendre vers le premier site.
C'est par un arrêt dans le village "d'Orongo" que nous débutons notre
périple. C'est ici que vivaient les "Rapa-Nui". On dénombre
54 entrées qui desservent une quarantaine d'habitations puisque
certaines d'entre elles possèdent plusieurs accès. Les habitants de
l'époque vivaient principalement dehors, leurs demeures ne servant
qu'à les protéger des grosses intempéries et leur permettre de
dormir. Les entrées sont minuscules, sans doute pour empêcher
d'éventuels assaillants d'y pénétrer facilement (ils étaient
ainsi contraints de ramper et devenaient par conséquent beaucoup
plus vulnérables) et surtout probablement pour repousser les
mauvais esprits.
C'est au site de "Rano Kau" que nous
faisons notre second arrêt. Toujours pas de Moai (on ne met pas
de "S" au pluriel du mot Moai nous dit-on, car celui-ci est
considéré comme un nom propre de la langue des "Rapa-Nui"),
mais un fabuleux volcan éteint contenant dans son cratère un
immense lac. L'eau de ce lac est d'ailleurs pompée et filtrée pour
alimenter l'île en eau potable.
Et puis (enfin) c'est à "Ahu a Kivi"
que nous "rencontrons" nos premières statues de pierre... ("Ahu"
signifie plateforme, c'est sur celles-ci qu'étaient donc érigées
les fameuses statues qui, toutes extraites à "Rano Raraku",
étaient ensuite transportées "debout" - c'est en tous cas une
hypothèse partagée par certains, alors que d'autres, assez nombreux
aujourd'hui sont plutôt convaincus que seule une statue
grossièrement taillée était transportée allongée depuis
"Rano Raraku" sur des rondins de bois jusqu'au
lieu où elle était achevée et érigée). Il s'agit
bien là de monuments funéraires puisque sous les "Ahu"
nombre d'ossements ont été mis à jour au fil du temps. En effet,
de très nombreux sites ont défié les siècles, uniquement grâce aux
restaurations successives financées par de passionnés mécènes.
Notre troisième point de chute est programmé à
l'extrême nord de l'île, sur la très belle plage "d'Anakena".
Sur le site se dressent 7 Moai, coiffés pour la plupart. L'océan en
arrière plan confère au lieu encore un peu plus de grandeur et de
beauté... C'est ici que nous faisons une petite pause déjeuner. On
va nous servir (assez rapidement grâce à la présence de Régis
qui semble connaître tout le monde ici) des "empanadas"
(chausson de pâte brisée et garni de différents ingrédients
choisis à la commande - le tout passé dans un bain d'huile) et
de la bière brassée sur l'île de Pâques !
La dernière bouchée avalée et quelques dizaines
de photos plus tard, nous sommes de nouveau en route pour rallier "Ahu
Tangariki", le site où est concentré le plus grand nombre de
Moai en position debout et alignés. Beaucoup d'entre eux n'ont plus
leurs coiffes, car celles-ci ont été dispersées au cours d'un
violent tsunami. Il y a sur place un Moai isolé, résultat d'une
tentative (plutôt convaincante) de déplacement en 1979 d'une
statue en position verticale. En effet, selon les époques et les
historiens de très nombreuses hypothèses ont été avancées. Seule
certitude commune les Moai ont été sculptés (probablement à la
saison des pluies - la pierre volcanique étant ainsi plus tendre)
directement dans la roche, puis détachés de celle-ci et ensuite
transportés. Oui mais comment ? Certains scientifiques ont acquis
la certitude que le transport se faisait en position allongée face
au sol, d'autres ont prétendu que les statues étaient allongées
mais dos au sol et "roulées" sur des troncs d'arbres... sauf
qu'aucun des essais réalisés suivant ces théories n'a démontré de
résultat probant... ce n'est qu'après de multiples tentatives que
très récemment il a été quasiment admis que les Moai étaient
certainement déplacés debout grâce à un effet de bascule. Il a
suffit en effet de seulement 2 cordes fixées à la base de la tête
d'une statue pour que 30 hommes, positionnés de part et d'autre, la
fassent avancer de 100 mètres en 1 heure, juste en provoquant un
mouvement de balancier... pas bêtes les "Rapa-Nui" !
C'est maintenant vers "Ahu Tongariki" que
nous nous dirigeons pour apercevoir un second volcan (moins
majestueux que "Rano Kau") mais aussi et surtout la carrière
où étaient sculptées les mythiques statues. La pente est rude
d'accès sur le versant du volcan, mais quel spectacle ! C'est ici
que nous voyons le plus grand Moai de l'île : 21 mètres de
longueur, mais celui-ci n'a jamais été achevé, il est allongé et
n'est même pas désolidarisé de la roche. Nous admirons aussi ici la
seule statue possédant des jambes...
Et la balade continue, mais l'heure tourne et
cette fois nous accédons au dernier site programmé sur notre
feuille de route : "Ahu Tahai". Nous apercevons le Deliziosa
au large et c'est dans ces lieux que nous approchons un des rares
Moai doté d'yeux, car ceux-ci taillés dans de la roche très
tendre, ont disparus au fil des siècles. Mais pas de mystère pour
celui-ci non plus, puisque Régis nous apprend que les yeux ont été
remis en place lors d'une très récente restauration du "Ahu",
à la demande de 2 journalistes venus faire un
reportage. De retour en France, les 2 reporters ont été tués dans
un accident de voiture avant même la sortie de leur article... On
murmure ici qu'ils ont reçu un châtiment divin pour avoir osé
profaner de la sorte un Moai...
Encore quelques photos et nous regagnons "Hanga
Roa" et avant de faire nos adieux à notre guide du jour,
celui-ci nous dispose autour du cou un collier de coquillages pour
respecter la coutume locale... Après avoir flâné sur le port "d'Hanga
Piko" devant les quelques étals de souvenirs, nous reprenons
une chaloupe pour remonter à bord du Deliziosa...
Peu de faune sur "Rapa-Nui" : quelques
vaches seulement, mais surtout beaucoup de chevaux en liberté. Ils
possèdent pourtant tous un "maître", mais d'après ce que
nous avons appris, ces animaux sont là pour "le décor" et
leurs propriétaires touchent une subvention pour les importer sur
l'île... alors pourquoi s'en priver...
Un dernier mot encore... le soleil et le ciel
bleu, qui nous ont également accompagnés tout au long de cette
journée, ont contribué à rendre cette escale certainement
inoubliable. Nous espérons que notre récit et nos 20 photos du
jour vous restituerons une petite partie de notre émerveillement...